L'histoire de la muse Odéa

L’histoire de la Muse Odéa

Il était une fois une muse du nom d’Odéa qui s’amusait des fleurs, jouant avec les fragiles corolles, telle une enfant. Chloris, déesse du monde végétal, était exaspérée de la voir ainsi traiter ses jolies créations et voulut lui donner une petite leçon. 

« Odéa, toi qui te moques avec tant de frivolité de mon talent et de mes protégées, je te condamne à vivre au milieu de ces dernières. Pour cela tu devras ouvrir une échoppe de fleurs et vivre du commerce de celles-ci. »  

D’abord agacée, Odéa contrainte d’obéir à la déesse, trouva un local et le remplit de fleurs de toutes variétés et de toutes couleurs. Contre toute attente, cela l’enchanta et elle appela son commerce Les Bouquets de la Muse

Rapidement, Odéa découvrit que le monde végétal était empli de mystères et de légendes. Tous ces éléments piquèrent sa curiosité et elle décida de percer les secrets de cet univers. Elle fut, au grès de ses recherches, épaulée par des personnages qui l’aidèrent à appréhender le monde insondable de l’art floral et de ses frontières.  

La première personne qui la guida sur le chemin de la connaissance fut Chloris. La déesse, surprise par l’engouement sincère de celle qu’elle avait jadis enfermée dans une échoppe, la prit sous son aile et lui dit : 

 « Odéa, pour communiquer avec les fleurs et les comprendre, il te faut apprendre leur langue. »  

Odéa, qui n’avait aucune appétence pour l’apprentissage des langues étrangères, fut dépitée. Devant cette mine désappointée, Chloris lui fit la promesse de l’initier à ces règles lexicales. 

Mais qui est Chloris ?

Chloris était la femme la mieux placée pour apprendre le langages des fleurs à Odéa puisqu’elle en était à l’origine. 

Mais un petit retour en arrière s’impose.

Chloris avait une vie parfaitement normale jusqu’à ce qu’elle rencontre un vent doux et pluvieux du nom de Zéphir, son futur mari. Pour que son épouse reste éternellement jeune, Zéphir lui donna le royaume tant convoité des fleurs et des végétaux. Chloris était devenu la souveraine de toutes les plantes, des plus humbles au plus éminentes. Ce nouveau statut était assorti du pouvoir de transformer les personnes en corolles. Hyacinthe et Narcisse fleurs éponymes, furent de ces personnalités que la déesse végétalisa.  

Mais le monde végétal est vaste et regroupe des plantes très différentes les unes des autres. Graminées, fougères, arbres, fleurs, succulentes… toutes ces plantes avaient leur propre langue. Quand toutes parlaient en même temps, c’était une véritable cacophonie. Alors Chloris décida de régler ce problème en créant une langue unique : Le Langage des Fleurs.

Plus tard, Zéphir et Chloris eurent un fils, Carpos, le dieu des fruits. 

La naissance d’une rose

Concevoir une fleur demande de l’imagination. Chloris n’en manquait pas. Mais créer un chef-d’œuvre est plus facile quand on s’y met à plusieurs. Il ne fallut pas moins de 6 divinités pour donner naissance à la rose. 

Aphrodite déesse de l’amour lui donna la beauté, tandis que Dionysos, Dieu du vin, y déposa un doux nectar. Trois grâces lui apportèrent le charme, l’éclat et la joie. Enfin, Apollon la couronna reine des fleurs.

Mais qui sont les Trois grâces qui firent une part importante de ce travail de création ? Thalie, Euphrosyne et Aglaé étaient les déesses du charme, de la beauté et de la créativité.

Mon amie la rose a conté à Odéa une histoire à propos de la rose rouge. Cupidon pour ne pas le nommer est parfois maladroit. Il est vrai qu’être le dieu de l’amour n’est pas toujours simple. Lors d’une soirée avec son ami Dionysos, Cupidon, éreinté par une journée de labeur amoureux, renversa malencontreusement son verre de vin rouge sur une rose. Cette dernière, loin de se formaliser, profite de l’occasion pour devenir la fleur des passions enflammées. 

Mais l’histoire serait trop simple si Vénus, déesse de la séduction, ne venait pas y mettre son grain de sel. Follement amoureuse du bel Adonis, elle le convia à une partie de chasse durant laquelle l’éphèbe se blessa mortellement. Vénus s’écorcha en allant secourir son amant et son sang coule sur une rose. 

Nourrie de toutes ces légendes, Odéa faisait venir des roses de la ville de Milet qui étaient réputées pour être d’un rouge très vif et confectionnait avec ces corolles de charmantes compositions que les jeunes épris s’arrachaient.

Voyage à Rome

Un jour d’avril, Odéa reçut une invitation de sa sœur Flore, qui vivait à Rome. Au programme : Floralies, visite de cultures de roses et petite soirée chez Néron. Une semaine plus tard Odéa embarqua sur un bateau, en route pour l’aventure…

La première journée, Odéa se rendit aux Floralies, une cérémonie qui visait à obtenir les grâces de la déesse des fleurs. Elle fut surprise par la tournure que prenaient les choses : des femmes dansaient nues, et de façon licencieuse, sur une scène de théâtre. La fleuriste fut choquée par ce triste spectacle, ne comprenant pas le lien entre ces chorégraphies indécentes et le culte rendu à son amie Chloris.  

Pour se remettre de ses émotions, Odéa prit la route et se lança dans une tournée des villes réputées pour leur production de roses. Direction le sud de l’Italie, et les citées de Locres et de Paestum où Odéa s’extasia devant ces étendues de roses multicolores. Non repue, Odéa gagna la région de la Campanie (aux sols volcaniques particulièrement fertiles) avant de se rendre dans le Latium. Là encore, Odéa fut enivrée par les parfums suaves et entêtants émanant de ces roseraies à ciel ouvert. La dernière étape de ce voyage était Milan. Grande capitale de la mode, Odéa y laissa quelques drachmes avant de se rendre chez Caius Plaranius. Caius était intarissable : et les roses par ci et les roses par là. Mais pour la première fois depuis son arrivée à Rome, Odéa ne regardait pas les roses : elle n’avait d’yeux que pour Caius.

Quel périple ! Mais avant de retourner en Grèce, Odéa et Flore étaient conviées à un banquet organisé dans la Maison Dorée, nouvellement construite par Néron. L’empereur, désireux d’agrémenter les banquets qu’il organisait et voulant étonner ses convives, avait mis au point une animation inédite qui consistait en une pluie de fleurs. Pour ce faire, Néron faisait tendre un velum au plafond des salles du banquet puis, sur le velum étaient placées de grosses quantités de pétales de roses. Au signal de l’empereur les liens étaient coupés et les invités devenaient les spectateurs d’une pluie de corolles. Surprise, étonnement et spectacle garantis.

Avant de reprendre le bateau pour Athènes, Odéa passa devant la petite boutique d’un de ses confrères romains. Celui-ci avait inscrit sur une pierre placée devant son échoppe : 

[n]on vendo ni [si] amantibus coronas
(Je ne vends des couronnes qu’à ceux qui aiment ou Je ne vends des couronnes qu’à ceux qui les aiment).

Elle regretta de ne pas avoir eu cette excellente idée et décida de la reprendre à son compte. Elle se promit aussi de verser des droits d’auteur. En plus, les couronnes s’était l’une de ses spécialités. 

Rome était un empire qui avait tout compris au commerce de fleurs. Odéa pris la décision d’y revenir dans les plus brefs délais pour continuer de faire de l’espionnage industriel. Des idées novatrices, Rome n’en manquait pas. Et en plus Odéa voulait revoir son Caius et les roseraies ne peuvent pas voyager. 

Pique-nique avec Glycère 

De retour en Grèce, Odéa proposa à son amie et consœur Glycère de lui raconter ses aventures romaines autour d’un pique-nique. 

Il y a des années, Glycère et Odéa s’étaient rencontrées lors d’une exposition florale organisée à Athènes par la Société des Stephanoplocos (tresseuses de guirlandes). Les deux jeunes femmes avaient ri de concert devant les couronnes exposées, vieillottes et blafardes. 

Elles étaient restées en contact et se voyaient régulièrement. 

Ensembles, elles parlaient aux fleurs et imaginaient des bouquets fantasques et colorés. Toutes deux étaient pleines de créativité : les associations audacieuses et inédites de corolles fusées de leur esprit.

Glycère et Odéa avaient un ami commun, Pausias, artiste peintre. Celui-ci se délectait de reproduire, avec ses peintures et ses pinceaux, les créations florales de ses camarades. 

Si Pausias appréciait les fleurs, il aimait Glycère plus encore. Les deux jeunes gens étaient épris l’un de l’autre. Cette idylle devait les mener à la postérité.

Le climat, soudainement menaçant, sonna la fin de ce déjeuner sur l’herbe. Bras dessus, bras dessous, Glycère et Odéa retournèrent dans leurs échoppes respectives. Il était temps de se remettre au travail : les couronnes ne se créent pas toutes seules. Surtout que la période des Grandes Dionysies approchait à grand pas et que pour l’occasion la demande de couronnes était très importante. 

Retrouvez bientôt la suite des aventures d’Odéa qui nous contera de nouvelles légendes à propos des fleurs.